27 Aout 1991 - Marie-José Perec à jamais la toute première

27 Aout 1991 - Marie-José Perec à jamais la toute première

En remportant en 1991 à Tokyo le premier titre mondial de l’athlétisme français, Marie-José Pérec signa son apparition auprès du grand public. La Guadeloupéenne lança ce jour-là une domination quasi sans partage sur le 400m mondial. Retour sur la montée en puissance d’une des plus grandes athlètes tricolore de l’histoire.

Un record mythique en apéritif

Celle qu’on n’appelle pas encore “La Gazelle” fit son entrée par la grande porte lors des Championnats de France 1988. Alors licenciée au Paris Université Club, la toute jeune vingtenaire battit à Tours en 51"35 le record de France du tour de piste co-détenu depuis 1969 par Nicole Duclos et Colette Besson lors d’un Championnat d’Europe entré dans la légende.

Curieusement, c’est pourtant sur l’épreuve du 200m que Pérec fit connaissance avec les Jeux Olympiques. A Séoul, arrivée blessée, la native de Basse-Terre vit son parcours se terminer en quarts de finale.

Premiers succès, premières déceptions

C’est en salle que Marie-José Pérec inaugura son palmarès international. La Française délaissa le double tour de piste 1 pour se concentrer sur le 200m. A La Haye (Pays Bas), elle remporta le titre européen dans un temps de 23"21.

Quelques semaines plus tard, Pérec dût se contenter d’une 6e place (23"99) aux Championnats du Monde sur cette épreuve alors que son temps de la finale européenne aurait pu lui offrir une breloque bronzée.

La saison estivale sur 400m fut du même tonneau. D’un côté, on se félicita du beau cadeau fait au public guadeloupéen : un nouveau record de France (51"05) le 7 mai 1989 aux Abymes. De l’autre côté, on regretta à Barcelone une double disqualification lors de la Coupe du Monde 2 au sein de l’équipe d’Europe sur 400m et 4x400m. Alors qu’elle avait terminé la course individuelle en tête, les juges s’aperçurent que “Marie-Jo” avait mordu sur le couloir voisin. 3 Sur le relais, l’équipe d’Europe fut disqualifiée, pour une raison dont l’Internet ne semble pas avoir gardé trace. 4

Le bronze lui va si bien

C’est en 1990 que Marie-José Pérec disputa enfin son premier grand championnat sur 400m. A Split, dans un pays qui s’appelle encore la Yougoslavie, la Française souffrit pour se qualifier en finale. Ele chipa ainsi le ticket de finaliste à l’Ouest-Allemande Karin Janke pour deux petits centièmes (51"63 contre 51"65). En finale, Pérec trouva la force en elle pour briser le cap des 51 secondes, battre le record de France (50"84) et s’offrir une belle médaille de bronze, tout en empêchant un triplé est-allemand.

Si quelqu’un en doutait, elle prouva ce jour-là sa capacité à enchaîner les courses dans une grand championnat. Cerise sur le štrukli, cette récompense européenne avait un arrière-goût mondial, tant le 400m féminin est une épreuve qui sourit à l’époque au Vieux Continent.

Level Up

Le 1er juin 1991, Marie-José Pérec profita d’un déplacement à L’Alfàs del Pi (Espagne) pour abaisser le record de France à 50"53. Quelques semaines plus tard, la Française se retrouvait à Francfort pour disputer le tour de piste comptant pour la Coupe d’Europe des nations. Face à elle, l’Allemagne réunifiée avait mandaté la Championne d’Europe en titre Grit Breuer pour remporter la course.

Ce 29 juin 1991 fut un tournant dans la carrière de Pérec. La réalisation TV allemande avait mis le focus sur la course de Breuer partie au couloir #1, masquant ainsi le parcours de la Française six couloirs plus loin. A l’entrée de la dernière ligne droite, le téléspectateur lambda vit apparaître soudainement Pérec, qui était finalement encore à la hauteur de l’Allemande.

Poussée par sa rivale, Marie-Jo puisa dans ses ressources pour résister, puis creuser une écart final dans les 30 derniers mètres. La Française créa ainsi une double surprise en dominant la Championne d’Europe, tout en explosant son record de France de plus d’une seconde (49"32). Pour la première fois, une athlète tricolore franchit la barre mythique des 50s sur 400m.

Une telle performance chronométrique lui eût offert le titre mondial en 1987, l’argent olympique en 1988 et le titre européen en 1990. Trop à l’étroit dans une tunique d’outsider, Marie-José Pérec revêtit ce jour-là le costume de favorite pour les Championnats du Monde de Tokyo.

Le grand soir

Quand l’Empereur Akihito déclara ouverts les Championnats du Monde d’athlétisme au Stade Olympique de Tokyo, personne ne se doutait que cette édition resterait dans toutes les mémoires : le concours du siècle entre Powell et Lewis à la longueur masculine, six coureurs sous les 10s sur le 100m masculin, le titre mondial d’Hassiba Boulmerka sur le 1500m féminin, les premiers mondiaux de l’Allemagne réunifiée, etc. Et aussi le couronnement de la Reine Marie-José !

Le parcours de la Guadeloupéenne jusqu’à la finale sera très propre. Marie-José Pérec remporte sa série (51"00), son quart de finale (50"61) et sa demi-finale (49"13), avec en prime le meilleur temps de toutes les engagées. Mais le tirage au sort allait réserver une mauvaise surprise au clan français.

Héritant du couloir #4, Pérec fut contrainte de partir juste devant Breuer qui pouvait dès lors calquer sa course sur sa rivale. Au coup de pistolet, la Française prit un bon départ. A la sortie du premier virage, elle avait déjà dépassée l’Espagnole Sandra Myers (couloir #5). A mi-course, l’étatsunienne Lillie Leatherwood au couloir #7 fut avalée par la Gazelle. Celle-ci continua son festin en dépassant la soviétique Olga Brygzina (#6) et l’etatsunienne Jearl Miles #8 pour entrer en tête dans la dernière ligne droite.

Seulement voilà, Grit Breuer n’avait plus qu’un petit souffle de retard sur Marie-Josée Pérec. Il n’en fallut pas plus pour faire craindre aux plus pessimiste des supporteurs tricolores une fin en eau de boudin. Les deux athlètes maintinrent l’écart avec leurs poursuivantes. A 50m de l’arrivée, une seule chose était sûre : le titre allait se jouer entre la Française et l’Allemande. Pérec, toujours en tête, produisit un ultime effort pour prendre une longueur d’écart pour s’imposer sans craindre une arrivée à la photo-finish.

Les mains appuyées sur le genoux, tentant de retrouver son souffle, Marie-José Pérec pouvait savourer cette victoire. Poussée par l’adversité, la protégée de Jacques Piasenta avait également porté le record de France à 49"13. Outre la breloque et le record, Marie-José Pérec gagna ce jour-là sa place dans les livres d’histoire de l’athlétisme français.

Et dire que cela ne faisait que commencer !

Pour aller plus loin

Crédit photo : J MacMillan - Untitled - Creative Commons Attribution-NonCommercial 2.0 Generic (CC BY-NC 2.0)


  1. En salle, la piste d’athlétisme mesure 200m, contrairement aux pistes en plein air qui atteignent 400m. Confinée, l’épreuve du 400m devient alors un “double tour de piste”. ↩︎

  2. La Coupe du Monde était une compétition par équipes aujourd’hui abandonnée qui rassemblait les USA, les deux premières équipes de la Coupe d’Europe des nations, l’Europe (ou plutôt ce qu’il en restait), les Amériques, l’Asie, l’Océanie et l’Afrique, et parfois la nation organisatrice. Aujourd’hui, l’épreuve a été remplacée par la Coupe Continentale↩︎

  3. Mon fils Hercule Tartan me fait part de ici de son incompréhension concernant le fait d’être disqualifié pour cette raison. Quelle que soit la distance, planter un dentier - certes athlétique - dans l’amer et granuleux tartan (qui joli mot !) d’une piste ne saurait décemment procurer un avantage chronométrique à son auteur. ↩︎

  4. D’ailleurs, si quelqu’un peut me renseigner sur les raisons de cette disqualification, il ou elle a remporté un trophée inestimable : ma positive gratitude. ↩︎