Autopsions les projets Dayan
Annoncé en grandes pompes en 2017, le projet de championnat de France des régions de rugby à 13 porté par Luc Dayan ne verra pas le jour. Ce fut exprimé récemment, dans le magazine Planète XIII, après de nombreux mois d’un silence n’augurant rien de bon. Face à ce constat d’échec, faisons l’inventaire de tous les projets Dayan afin d’en extraire les idées que l’on pourrait appliquer pour améliorer les compétitions françaises de rugby à 13.
Les articles de la série :
- Autopsions les projets Dayan
- Vive l’été
- A l’assaut des agglos
- Ensemble, on va plus loin
Médecin de son état, Luc Dayan est surtout connu pour s’être porté au chevet de nombreux clubs de football français, soit à titre de dirigeant, soit via sa société de marketing sportif WND Sport : Lille, Cannes, Nice, Saint-Etienne, Le Mans, Rennes, Valenciennes, Nantes, Strasbourg et Lens. (Liste non exhaustive, car cet homme est une machine.)
WND Sport a également accompagné la Fédération Française de rugby à 13 à cheval entre la fin des années 90 et le début des années 2000. C’est ce qui explique les liens entre le monde treiziste et l’homme d’affaires. Son plus grand coup d’éclat reste l’organisation d’un match de l’équipe de France à Lens en octobre 2012, alors que les Hauts-de-France sont une terre vierge de rugby à 13. Avec des tarifs attractifs et une gratuité pour les abonnés du RC Lens, l’affluence de 11,278 spectateurs atteignit le Top 10 pour un match du XIII de France à domicile depuis 40 ans.
Grand donneur d’idée du rugby à 13 français, Luc Dayan a soumis au 21e siècle trois projets pour faire avancer le rugby à 13 national : la création d’un club à Lille (2001), une adjonction de nouveaux clubs en Elite 1 (2012), puis un championnat de France des régions (2017).
2001 - Un ballon ovale pour le LOSC
Alors président et co-propriétaire du club de football de Lille, Luc Dayan gardait un oeil sur le Championnat de France de rugby à 13. Sa société WND Sport organisait notamment la production des matches diffusés en direct sur Pathé Sport.
Cette année-là, l’Élite 1 comptait 12 clubs mais représentait seulement 5 grandes agglomérations (Perpignan, Avignon, Toulouse, Carcassonne et Lyon). Le reste des équipes provenait de petites villes, valeurs sûres du XIII français au remarquable travail de formation. Mais leur renommée en dehors de leur département ou de leur région restait encore à prouver.
D’un autre côté, les dirigeants du LOSC poussaient alors la mairie de Lille pour réaliser la rénovation complète du stade Grimonprez-Jooris. Certains élus encourageaient un déménagement au Stadium Nord de Villeneuve-d’Ascq, inadapté pour l’élite du football français, mais toujours à la recherche d’un club résident.
L’idée fut alors émise par Dayan d’implanter un club de rugby à 13 à Lille. Cela aurait eu le double avantage d’améliorer l’attractivité de l’Élite 1 et d’enlever le Stadium Nord de la liste des options possibles pour le LOSC. A notre connaissance, ce projet resta à l’état d’idée. Mais il fit déjà rêver les amoureux du rugby à 13 lillois qui se comptaient alors sur les doigts de la main d’un accidenté du travail.
2012 - Super XIII - Du sang neuf dans l’Élite 1
“Et si j’osais Dayan ?” pensa sûrement Nicolas Larrat, président de la FFR13, en pleine recherche d’idées pour améliorer la situation du rugby à 13 en France. Alors président du club de football du RC Lens, Dayan émet l’idée d’injecter en Elite 1 de nouvelles équipes adossées à des clubs professionnels de football basés en dehors de terres dévolues à l’Ovalie. Outre Lens, il évoqua ainsi Valenciennes, Le Havre ou Strasbourg.
Quel intérêt pour ces clubs de s’investir dans le rugby à 13 ? D’une part, il y aurait la possibilité de toucher un nouveau public et de promouvoir ainsi leur marque. Et ceci, pour un prix modique car le budget d’un club d’Élite 1 est une goutte d’eau par rapport à ceux du football professionnel. D’autre part, les clubs propriétaires ou exploitants de leur stade pourraient ainsi en augmenter leur taux d’utilisation et faire progresser (un petit peu) leurs revenus.
Côté FFR13, on aurait touché un nouveau public et proposé un produit plus attractif pour les télés. On eût peut-être alors réussi à convertir beIN Sports, la chaîne du rugby à 13, de proposer également les compétitions nationales à ses abonnés. Qui sait ?
C’est pour prouver la viabilité de ce modèle que Lens accueillit cette année-là le match France - Pays de Galles avec un beau succès d’affluence à la clé. Pourtant, ce projet fut refusé par les clubs d’Élite 1. Si l’on peut regretter cette frilosité, on peut aussi tenter d’en comprendre les raisons :
- Augmentation des coûts salariaux car plus de points de chute possibles pour les joueurs.
- Nette augmentation du coût des déplacements, sans garantie de rentrées financières supplémentaires.
- Perte brutale de compétitivité car les nouveaux arrivants pourraient facilement avoir les plus gros budgets.
2017 - Super XIII - Un championnat des Régions
Contacté par le président de la FFR13, Marc Palanques, Luc Dayan revint à la charge cinq ans après avec des nouvelles idées. Plutôt que de toucher à l’Elite 1, l’homme d’affaires proposa de créer une toute nouvelle compétition basée sur les principes suivant :
- 13 équipes - 1 dans chaque région de France métropolitaine
- Championnat d’été à partir de mai sur 13 semaines (+ Finale)
- Intégrer des joueurs professionnels de rugby à 15 pour parfaire leur formation et les faire jouer si ceux-ci sont en manque de temps de jeu.
- Utilisation des stades de clubs professionnels de football ou de rugby à 15.
Nous ne fûmes pas surpris de l’annonce de l’échec de ce projet. Créer une entité sportive, c’est déjà un vrai challenge. Alors treize nouvelles équipes, cela aurait quand même tenu du miracle. Le coup de grâce aurait été donné par** Paul Gozé**, président de la Ligue Nationale de Rugby à 15, qui aurait mis - sans surprises - son véto au prêt de joueurs. Sans réservoir de joueurs, difficile de monter la compétition..
Y aura-t-il un jour, un quatrième projet Dayan ? Cette hypothèse n’est pas à exclure. Et qui sait, peut-être que celui-ci ira (enfin) à son terme. Mais en attendant, le rugby à 13 français aurait intérêt à se presser pour piocher et appliquer une ou plusieurs bonnes idées. Il en va de son développement qui est, pour l’instant, intimement lié au bon vouloir des dirigeants anglais 1.
Lire le 2e article de la série : Vive l’été !
Crédit image : FFR 13 - Logo de marque déposée
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Les deux seuls clubs 100% pros du rugby à 13 français - les Dragons Catalans et le Toulouse Olympique - disputent les compétitions anglaises. ↩︎