Eurobasket féminin - Rome 1938, l'édition oubliée

Eurobasket féminin - Rome 1938, l'édition oubliée

En 1938, cinq équipes nationales se frayèrent un chemin jusqu’à Rome pour se disputer le tout premier titre de Champion d’Europe féminin de basket. Comme beaucoup de compétitions avant-guerre, il ne reste que peu de traces écrites de cette édition forcément historique. Même les dates des rencontres sont incertaines. Partons donc à la rencontre des “Aventurières de l’Édition Perdue.”

“FIBA les bons tuyaux” mis en défaut

D’ordinaire plutôt fiable, le site FIBA Archive perd son latin dès qu’on lui demande des informations sur l’édition 1938 de ce qu’on n’appelle pas encore l’Eurobasket féminin. S’il est affiché que les rencontres se sont jouées du 12 au 16 octobre à Rome, aucun match ne dispose d’une date. Point de box-score, ni même d’un petit score à la mi-temps. Pour sauver les meubles, il y a quand même les effectifs de quatre des cinq équipes participantes. Nous garderons un peu de compassion pour les joueuses suisses qui doivent supporter la double peine de l’anonymat et de la lanterne rouge.

“Basket-ball” à la rescousse !

Heureusement, de nos jours, nous disposons encore des archives de “Basket-Ball”, alias la revue interne de la Fédération Française, dont les publications de la période 1933 à 1993 sont disponibles sur le site de la BNF. Dans le numéro 105 - qui précède la compétition qui nous intéresse - nous découvrons quelques informations sur le groupe qui fera le voyage en Italie. On y apprend le forfait de la capitaine Lucienne Velu, ni plus ni moins que l’une des meilleures joueuses de son époque, doublée d’une excellente athlète. La joueuse de Saint-Maur avait notamment guidé l’équipe de France au titre mondial (non reconnu par la FIBA) lors des Jeux Mondiaux Féminins de 1934 à Londres. Mmes Flouret et Houël-Santais, également de la partie lors du triomphe londonien, durent également renoncer au voyage.

Au final, l’équipe de France féminine fut composée des joueuses suivantes :

  • Marie-Antoinette Chabrel (ASC Grenoble)
  • Lily Colin (Linnet’s Saint-Maur)
  • Jacqueline Dusoulier (Linnet’s Saint-Maur)
  • Jeanine Garnier (ASPTT Strasbourg)
  • Marie-Louise Gravier (ASPTT Paris)
  • Margueritte Lafiteau (CFP)
  • Sokéla Mangoubel-Dietz (ASP Seine)
  • Christiane Moreau (Namnéta Sports)
  • Lisette Pariente (Orania Sports)
  • Annette Roy-Bouligaud (ALP)

Au-delà des informations que nous cherchions, nous constatons l’inquiétude prégnante suscitée par les tensions internationales, qui mèneront à la 2e Guerre Mondiale. La mobilisation partielle du 12 septembre 1938 avait ainsi provoqué le report des compétitions nationales. Mais, probablement à cause des accords de Munich signés un mois plus tôt, l’espoir d’un apaisement et d’un retour à la normale se fait sentir à la lecture de plusieurs phrases. L’Histoire prouvera malheureusement le contraire…

Malgré l’absence de trois des médaillées d’or des Jeux Mondiaux, l’équipe de France arrive à Rome avec quelques espoirs de podium, voire de titre. Si les partenaires de Sokéla Mangoubel-Dietz débutent sans trembler face à la Suisse (43-18), ce sera la seule victoire tricolore lors de ce tournoi. Lors des deux rencontres suivantes, les Bleues ratent leurs premières mi-temps et échouent finalement pour quelques petits points face à la Lituanie (14-20) puis la Pologne (19-24).

Le tournoi des Bleues s’achève le dernier jour face à l’Italie. Poussées par leur public, les Azzuri s’imposent très nettement (34-18) pour s’offrir le titre européen à la différence de points particulière aux dépens de la Lituanie et de la Pologne.

Dans l’Italie de Mussolini, ce résultat fut forcément considéré comme une aubaine par la propagande. L’équipe italienne fit la une des journaux aux côtés des informations de politique étrangère. Le régime fasciste profita ainsi d’un tir primé1 en terme d’image tant sur le plan sportif que sur celui de l’émancipation sociale des femmes

Le petit plus factuel

Pour les angoissés de la précision statistique (dont votre serviteur fait partie), le numéro 106 de la revue “Basket-Ball” nous permet - en croisant les articles de Paul Geist (manager de l’équipe de France) et d’Anne-Marie d’Almeida2 - de retrouver certaines informations, entre scores à la mi-temps et date des rencontres de l’équipe de France

  • 12 octobre > France – Suisse : 43-18
  • 13 octobre > France – Lituanie : 14-20 (mi-temps : 4-18)
  • 14 octobre > France – Pologne : 19-24 (mi-temps : 4-14)
  • 16 octobre > Italie – France 34-18 (mi-temps : 14-10)

Sources :

  • Revue « Basket-Ball » #105 du 6 octobre 1938
  • Revue « Basket-Ball » #106 du 27 octobre 1938
  • Zone FIBA Archive dédiée au Championnat d’Europe féminin 1938

Remerciements : Merci à Vincent Janssen pour sa relecture.

Crédit image : CONI


  1. Tir primé qui n’avait pas encore été inventé, à l’époque. ↩︎

  2. Lors du championnat du Monde 1953, Mademoiselle d’Almeida était alors directrice de l’équipe de France. Peut-être l’était-elle déjà lors de ce Championnat d’Europe ? Elle fût également la toute première présidente de la commission féminine de la FFBB lors de sa création en 1946. ↩︎