Le tchoukball, un sport trop bien méconnu
Le tchoukball est un sport collectif aussi étrange que son nom. Il s’inspire à la fois du handball et du volley-ball. Dis comme cela, je suppose que vous avez encore un peu de mal à visualiser. Mais laissez-moi vous expliquer…
On doit son invention à un citoyen helvétique : le docteur Hermann Brandt, bien décidé à créer un sport construit pour durer.
Il faut savoir qu’il y a deux sortes de Suisses. Le premier prend son rôle de réserviste de l’armée très très à cœur. Chaque week-end, il bichonne le fusil d’assaut que lui a confié la Grande Muette helvète lors de son service militaire. Il se rend d’humeur joyeuse au centre de tir, histoire de ne pas perdre la main et de glisser délicatement en plein centre d’une innocente cible quelques centaines de balles réelles. Rassurez-vous, cette activité est sans danger : notre homme porte un casque afin de protéger son audition. Sur le chemin du retour, avec son AK-47 sur l’épaule, il n’oubliera pas d’aller se ravitailler en cartouches à l’hypermarché du coin. Chose surprenante, il ne fait jamais la queue à la caisse : les femmes enceintes et les personnes handicapées lui cèdent spontanément et prestement leur place.
L’autre sorte de Suisse est tellement non-violent qu’il ferait passer le Mahatma Gandhi pour un apôtre de l’auto-défense. Le Suisse pacifique ne supporte pas la vue d’un hématome et respecte scrupuleusement les lois de la Confédération, quitte à se dénoncer de lui-même aux services de la police criminelle après avoir oublié de composter son ticket dans le bus. Au niveau sport, il voit le curling comme un vigoureux sport de contact et s’évanouit rien qu’à l’idée d’assister à l’entre-deux inaugural d’un match de hockey sur glace.
Assurément, le Docteur Brandt faisait partie du groupe des suisses non-violents. Son objectif était donc de créer un sport collectif dénué de contacts physiques qui pouvait se pratiquer à tout âge en loisir comme en compétition.
Pour comprendre comment cela se joue, rendez-vous en plein match sur un terrain de handball. Diminuez la taille de l’espace de jeu à 24m x 14m, ce qui correspond à peu près à la taille d’un terrain de basket. Vous conserverez ensuite les deux surfaces du but avec une superficie réduite dans les mêmes proportions. Une fois ce petit régime effectué, montrez-vous impitoyable avec les deux gardiens de but. Renvoyez-les aux vestiaires sans la moindre pitié. Dites-leur les yeux dans les yeux qu’ils sont devenus une charge inutile pour leurs équipes respectives, et que vous les remplacerez par un vulgaire joueur de champ, payé à peine la moitié du SMIC. S’ils vous font le coup du regard du Chat Potté, surtout soyez fort et ne lâchez rien… Rappelez aux joueurs - et spécialement aux malabars qui composent le centre de la défense - que tout contact est désormais interdit. Il va leur falloir perdre de vilaines habitudes : mise en opposition du corps, blocage de l’attaquant adverse, tirage de maillot ou encore tentative de meurtre avec préméditation.
Maintenant qu’il n’y a plus de gardien de but, la surface de but est vide. Retirons les buts du terrain et remplaçons chacun d’eux par un petit trampoline incliné à 45°. Si, si, vous avez bien lu ! Au tchoukball, marquer un point se fait de manière assez subtile : vous devez d’abord faire rebondir la balle contre l’un des petits trampolines et espérer qu’elle ne retombe au sol avant que l’équipe adverse ne la rattrape.
Autre particularité : vous pouvez marquer des points indifféremment sur les deux trampolines. Cela donne ainsi des scènes étonnantes où l’équipe, qui vient de sauver le point, contre-attaque au même endroit. Ce serait comme si - au football - un défenseur, après avoir sauvé sur sa ligne un but tout fait, se mettait soudainement à frapper la balle dans son propre but dans l’incompréhension générale.
Pour finir au niveau de règles, tout va reposer sur le chiffre 3 :
- Pas plus de 3 appuis pour le joueur
- Pas plus de 3 passes de suite pour une équipe avant de tirer au but
- Pas plus de 3 tirs d’affilée sur le même trampoline
Il est également interdit de dribbler. Les premières impressions visuelles du tchoukball sont donc très déroutantes. On peut avoir l’impression d’assister à un spectacle de danse contemporaine conçu par un chorégraphe allemand amoureux du handball. Mais très vite, on se prend au jeu de ce sport qui requiert de grandes qualités : vivacité, adresse, endurance et surtout lecture du jeu. C’est l’un des rares sports collectifs où les petits gabarits peuvent jouer un rôle prédominant.
Pour voir ce que cela peut donner, voici un petit best of du Championnat d’Europe 2010.
Côté développement mondial, les meilleures nations de tchoukball sont Taïwan et la Suisse. Seulement une grosse trentaine de pays sont affiliés à la fédération internationale. Mais il est fort à parier que de nombreuses autres nations viennent grossir les rangs dans les prochaines années.
Bref, le tchoukball, on a pas fini de commencer à en entendre parler.
Pour en savoir plus :
Crédit photo : Swiss Tchoukball - Pologne - Suisse - Creative Commons Attribution 2.0 Generic (CC BY 2.0)